Sac d'os, Stephen King

Publié le par Geneviève

Un nouveau son de cloche pour Stephen King : l’amour passion et l’amour paternel. Pour la première fois dans son œuvre (je ne l’ai pas lue en son entier) on s’émeut à la vue, au toucher, à l’odeur, au son de voix d’une très belle jeune femme de vingt-et-un ans et de sa fille qui, elle, n’a que trois ans.
La première femme de Mike, le narrateur, n’a pas cette présence. Mike dit qu’il l’aimait. Il pleure sa mort ; elle le hante, au propre comme au figuré mais, en tant que lecteur, elle demeure assez abstraite, on ne la "sent" pas.

Les fantômes ont le don de m’irriter car, véritables Deus ex Machina, on peut leur faire faire n’importe quoi. C’est pour cela que le plus parfait des romans de King demeure, dans mon esprit, Misery. Pas de surnaturel : le monstre est bien humain. Malgré tout, si Misery est le plus parfait de ses romans, Sac d’Os demeure le plus attachant. Le talent de King nous emporte, tout comme on peut se laisser emporter par le talent de Michel Tournier même si on n’est pas soi-même homosexuel.

La petite société dans laquelle évoluent les personnages est aussi dure, égoïste, butée et cruelle que celle des villages normands de Flaubert ou de Maupassant.
Le personnage principal, Mike Noonan, se décrit lui-même comme un romancier populaire qui doute de son talent et pense qu’il écrit à la fois pour assouvir les besoins de son imagination débordante et pour gagner beaucoup d’argent. Pas question de littérature là-dedans. Dans ces réflexions, on sent une certaine souffrance de la part de Stephen King mais il me semble qu’en ouvrant les écluses de l’amour et de la passion, il s’approche, justement, de la dimension littéraire.
Donatien Moisdon

Une petite réflexion à l’intention de mes amis francophones : Stephen se prononce exactement comme Steven, le " ph " devenant un " v ".

Extraits :

Nous retournâmes vers ma voiture. Mattie me regarda en face. Je crus, rien qu’un instant, qu’elle allait me serrer contre elle, une forme de remerciement qui, dans l’état d’esprit où nous étions, si intense que c’en était presque mélodramatique, aurait pu nous entraîner beaucoup plus loin. En vérité la situation était effectivement mélodramatique, un conte de fée où se battaient le Bien et le Mal avec, en sourdine, énormément de désir sexuel réprimé.

J’avançai mon pénis tendu et me glissai en elle comme un doigt dans un gant de soie. Elle me regarda, les yeux écarquillés, et prit ma tête entre ses mains : "Tout ce qui n’est pas nous est mort !" dit-elle.

Je me retournai, posai le sac en papier graisseux de chez McDonald et soulevai la gosse. C’était comme la chose la plus naturelle, la plus merveilleuse du monde. On sous-estime le poids d’une enfant pleine de santé ainsi que l’intensité de la vie qui la parcourt comme de l’électricité dans un fil.

 

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