Mémoires d'Hadrien, Marguerite Yourcenar
éditions Folio (poche)
Peut-être un passage obligé de la littérature... Quand j'ai lu ce roman intimo-historico-philosophique il y a déjà pas mal d'années, j'ai été subjuguée par la performance de l'auteur, par son érudition associée à sa façon extraordinaire d'être "rentrée dans la peau" d'un empereur romain. Le contenu est tellement dense que je n'ai pu lire ce livre qu'à petites gorgées. Pour celui qui arrive à entrer dans le récit, il y a peut-être un "avant" Les mémoires d'Hadrien et un "après" : on ne voit plus tout à fait le monde (de toutes façons le monde romain) de la même façon, après !
GL
Le contenu : L'empereur Hadrien sent qu'il ne lui reste plus beaucoup de temps à vivre. Avec une extrême lucidité, il fait le point sur sa vie, sur ce qui a compté pour lui, ses combats, surtout vis-à-vis de lui-même, ses amours et notamment celui pour le superbe Antinoüs, nous faisant intimement partager les méandres de ses réactions et sentiments d'homme conscient et libre.
Extraits :
à propos de l'écriture de ce roman, Marguerite Yourcenar a écrit : Retrouvé dans un volume de la correspondance de Flaubert, fort lu et fort souligné par moi vers 1927, la phrase inoubliable : "Les dieux n'étant plus et le Christ n'étant pas encore, il y a eu, de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l'homme seul a été." Une grande partie de ma vie allait se passer à essayer de définir, puis à peindre, cet homme seul et d'ailleurs relié à tout.
Je voulais que mon prestige fût personnel, collé à la peau, immédiatement mesurable en termes d'agilité mentale, de force, ou d'actes accomplis. Les titres, s'ils venaient, viendraient plus tard, d'autres titres, témoignages de victoires plus secrètes auxquelles je n'osais encore prétendre. J'avais pour le moment assez à faire de devenir, ou d'être, le plus possible Hadrien.
La mort changeait peu de chose à cette intimité qui depuis des années se passait de présence ; l'impératrice restait ce qu'elle avait toujours été pour moi : un esprit, une pensée à laquelle s'était mariée la mienne.
De plus en plus, toutes les déités m'apparaissaient mystérieusement fondues en un Tout, émanations infiniment variées, manifestations égales d'une même force : leurs contradictions n'étaient qu'un mode de leur accord.